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La Crise de la Masculinité. Autopsie d’un mythe tenace

Francis Dupuis-Déri, éditions du Remue-Ménage, 2018

mercredi 13 novembre 2019, par Louise Michel

19 11 05 La CRISE de la MASCULINITE Francis-Dupuis-Déri aux éditions du Remue-Ménage, avril 2018

TITRE : La Crise de la Masculinité. Autopsie d’un mythe tenace
GENRE : Essai pro-féministe
AUTEUR : Francis Dupuis-Déri
EDITEUR : Remue-ménage Date édition : Avril 2018
Date émission Pas de Quartiers : 05 11 2019 Animateur(s) :

Note rédigée par : François Date rédaction : 31 10 2019

Avertissement
Pour rédiger une Note de lecture sur un livre, je le lis attentivement en soulignant au crayon les passages qui me semblent représentatifs du projet de son auteur ; puis je les transcris les uns à la suite des autres ce qui constitue le « brouillon » de la note de lecture. Cette méthode présente l’inconvénient de constituer une longue suite de phrases lapidaires et peu digestes à la lecture. Dans un troisième temps je m’efforce de donner un peu plus de vie et de style à ce fastidieux brouet.
Là, je me rends compte que je n’y suis pas arrivé complètement.
Que les éventuels lecteurs veuillent bien me pardonner.
François (groupe Louise-Michel)

Intro : La Crise, toujours la Crise p11
L’homme serait en crise, dit-on p11, la société féminisée, c’est un cliché qui atteint des pays aussi différents que la Chine, le Maroc, Israël, les Etats-Unis et bien sûr la France où l’inénarrable Zemmour déclare sans frémir que l’homme a perdu ses repères, qu’ils (les hommes) seraient interdits de parole...interdits d’existence etc. Cette façon de voir touche tous les milieux, universitaires, féministes, documentaristes de cinéma, philosophes marxistes, anarchistes, même des femmes et des pro-féministes ; Changer les couches, se soucier du plaisir des femmes serait le fait des hommes-pastel, de l’homme-rose au contraire des « vrais hommes ». La femme n’est plus un sexe mais un idéal. Ce discours de la féminité oppose masculin et féminin avec des notions floues, des stéréotypes souvent à prétention psy ; il est profondément misogyne.
Cela provoque aux Etats-Unis une mobilisation pour la cause des hommes, une revanche réactionnaire, une révolution masculiniste dont se réjouit Zemmour qui dénonce la misandrie, le gynocentrisme devenus mondiaux ; ces mouvements tendent à freiner et reculer l’émancipation des femmes au nom de prétendus droits et intérêts des hommes et se muent en lobbies comme « Fathers-4-Justice ; on parle de « féminazies » en Allemagne, et les centres d’accueil des femmes violées seraient des lieux d’endoctrinement...Des attentats se produisent en Australie, à Montréal où en 1989 au cri de j’haïs les féministes, un furieux tue 14 femmes dans l’Ecole polytechnique, crime salué par 14 salves d’honneur d’un régiment aéroporté canadien (!) p21
Et pourtant, ce discours est en complet décalage avec la réalité : Partout à la tête des états, des institutions internationales, des armées, polices, des grandes entreprises, des grandes richesses, des sports, les hommes dominent un monde qui n’est qu’un boy’s club ( selon l’expression de Martine Delvaux) où règne la solidarité masculine. Moins payées, assurant gratuitement le travail domestique, les femmes sont universellement moins libres, différence accentuée encore par la pub, la politique, l’art où 85% des corps nus sont féminins. Que dire, à ce sujet, de la présentation comme des génies de violeurs ou tueurs de femmes (Strauss-kahn, Polanski, Woody Allen, Althusser, Simpson)...et de « Dieu » ou du « Diable » qui réservent le rôle ingrat aux femmes ? Comme écrivait Kate Millett, Le patriarcat a dieu à ses côtés..p29.
Ce livre, fruit d’une recherche étalée sur quinze ans, se propose donc d’analyser ces discours misogynes, leur portée politique et sociale et leurs effets possibles sur les rapports entre les hommes et les femmes.

I/ Crise ou discours de crise ?

Déjà sous la Rome antique, puis tout au long de l’histoire, les hommes seraient aux prises avec une société trop féminisée, et aujourd’hui sur la terre entière (Mahgreb, Noirs, musulmans) la masculinité, spécifiquement la paternité, se disent menacées par le « féminisme radical ». Judith Allen se demande si les hommes ne seraient pas éternellement en crise, Michael Atkinsonsi, si la masculinité ne serait pas plus une question de perception qu’une réalité objective.p33
Dupuis-Déri relève qu’historiquement cette crise est souvent limitée à l’analyse de correspondances d’époque, de fictions, de romans, bref à des représentations culturelles qu’on ne doit pas confondre avec la réalité politique, économique et sociale. De même de nos jours (film Kramer vs Kramer, Michael Douglas), la crise toucherait les films et leurs acteurs…
Et pourtant la réalité est toute autre : acteurs plus payés que les actrices, violences contre les femmes complaisamment mises en scène…
Bref, ce n’est pas parce que je me sens dominé par les femmes que je le suis vraiment ; c’est grâce à une pirouette intellectuelle qui consiste à évacuer la réalité institutionnelle et matérielle p39

Les effets objectifs d’un discours subjectif, la « pente fatale »
Ce discours de crise est un encouragement à l’intervention, à la réaction p41 cf la « Crise de l’homme soviétique » et son « Ecole de la masculinité » en 1970.« ; il agirait comme un vecteur de mobilisation, nécessaire au maintien d’une position de force comme le remarque la sociologue Anne-Marie Devreux : le discours de la crise est un discours de dominant, car un état de crise surgit à chaque fois qu’une domination est remise en question p43. Bref ce serait un discours suprémaciste.
Il en est ainsi du discours de « la pente fatale » : une concession, même limitée au pouvoir masculin, une simple progression des femmes vers l’égalité menacerait l’ordre social p46 :
cf la devise « liberté, égalité, fraternité » du révolutionnaire de 1789 qui insiste surtout sur la fraternité, car l’égalité le met en panique. Cf Hanna Rosin qui annonce la fin des hommes. Cf l’article de l’Actualité au Québec en 1992 Pitié pour les garçons, une génération castrée.
25 ans après ces funestes oracles la gent masculine domine toujours en nombre dans la police, l’armée, l’aviation, dans toutes les institutions, ce qui n’empêche pas un sociologue français - Daniel Welzer-Lang, pour ne pas le nommer - de pleurnicher sur les discriminations dont les hommes seraient victimes, accusés faussement de violences conjugales et sur la domination masculine qui s’effrite et s’effondre tranquillement p49. Les femmes sont partout, pas encore à parité mais cela avance vite. On notera que ce même personnage sollicitait sexuellement de manière récurrente ses étudiantes.
Même Alain Touraine, empathique aux femmes, défend dans Le monde des femmes (début 2000) l’idée que notre culture est dominée par les femmes. A cette époque, les femmes étaient 12 % à l’Assemblée nationale, 13,5 % aux postes de direction d’entreprise mais 97 % aux emplois de secrétaires !
La thèse de la pente fatale n’a rien de réelle, c’est une fake new, une question de feeling p50.

II/ Petite Histoire de la masculinité en crise p53

Dupuis-Déri entreprend alors une histoire très fouillée des prétendues crises de masculinité depuis l’époque romaine, qui apparaît d’après lui chaque fois que des femmes remettent un tant soit peu en question les normes patriarcales :
A Rome en 195 av JC, Caton l’Ancien défend l’interdiction faite aux Romaines de conduire des chars et de se vêtir colorée ; pourtant ce « sexe infirme » vivait sous la coupe du « pater familias » qui avait droit de vie ou de mort sur femmes et enfants !
Par contre au Moyen-Âge, les rapports entre sexes sont plus égalitaires, moins de division du travail, salaires égaux, mode unisexe.p55
Ca se gâte à nouveau au XIIè siècle, si on met à part le courant chevaleresque (et encore), à cause de la dérive misogyne de l’Eglise catholique : droit de correction de l’épouse (présentée comme stupide, irascible, frivole, menteuse, égoïste, sexuellement menaçante (!), Loi Salique, chasse aux sorcières, femmes écartées de l’Université.
Au XVIè s. la théorie nataliste (Forte natalité = puissance économique des états naissants) exige le contrôle du corps des femmes, Louis XIII supprime la mixités scolaire p56
A ce moment d’extrême déréliction des femmes, retentit en Angleterre dès 1558 avec John Knox un signal d’alarme contre la Tyrannie exercée par les femmes, l’année même où Elizabeth I ére monte sur le trône ! Le pamphlet L’anatomie des abus entre autres défend le principe de différence des sexes p57. On assiste à la coalition des pasteurs, des dramaturges et des élites des villes et villages pour imposer le nouvel ordre patriarcal, puis des dirigeants politiques condamnent durement la prostitution, l’avortement, l’infanticide des nouveaux-nés sous couvert de chasse aux sorcières accusées de faire disparaître les pénis ! La suprématies mâle, voulue par Dieu, règne dans tous les secteurs.
En France, des dynamiques similaires : dès les années 1580 sous Henri III dénoncé pour son homosexualité. Au XVIIé s., on dénonce les Précieuses ; La Bruyère, Furetière, dénoncent les hommes qui jouent aux femmes et vice versa. Vers 1750, Rousseau exprime sa panique devant la féminisation de la culture et des arts et son souhait que toute l’éducation des femmes soit programmée pour plaire aux hommes p62. Sous la Révolution de 1789, on dénonce un roi efféminé,des républicaines trop masculines, on interdit aux femmes le droit de vote et l’égibilité, de se réunir en sociétés, ou à plus de cinq. Période suivie par l’infâme Code Napoléon qui fait de la femme une mineure. P63
Dans les années 1900, la crise de la masculinité sévit dans des sociétés fort dissemblables. Les transformations sociales en seraient à l’origine et le états, les artistes réaffirment la masculinité conventionnelle.
Aux Etats-Unis, elle aurait affecté des 1830 les hommes d’origine européenne et on s’inquiète de protéger les droits des hommes face à l’émancipation des épouses, on célèbre la virilité autonome de l’Homme de l’Ouest (Daniel Boone, Davy Crockett). Dès 1880, le cow-boy, héros national, envahit presse et littérature. La guerre de Sécession, 1861/1865, provoque une panique à la fois raciste et sexiste p66 ; c’est l’époque des lynchages/castrations des nègres, des viols/lynchages des femmes noires et de l’élucubration littéraire de l’homme blanc qui aurait été castré symboliquement en raison de l’émancipation des esclaves, élucubrations reprises depuis peu par Victor Meladze mais heureusement contesté par Angela Davis, bell hooks et Patricia Hill Collins. On doit se souvenir de l’horrible histoire de Mary Turner : luttant pour que les lyncheurs de son mari soient punis, elle fut pendue, arrosée d’essence, brûlée et enfin éventrée pour lui arracher son bébé qui pousse quelques cris avant d’être écrasé à coups de talon ! Ensuite la société et l’économie poussent les hommes à quitter leur maison pour le bureau ou le travail, la femme doit rester à la maison, gérer ménage et loupiots : à ce moment, les hommes toujours en crise se réunissent à l’extérieur après le boulot : café, clubs masculins, sport amateur non mixte. Thomas Hughes prône la virilité du Christ et la christianité musculaire (foi et sport), idée reprise en Angleterre. Les boy-scouts d’Amérique de Seton sont créés en 1910 contre la féminisation et pour maintenir la masculinité traditionnelle p69. Les Ecoles (et même certaines librairies selon les auteurs) sont séparées filles/garçons : on est en pleine ségrégation sexuelle et sexiste. Théodore Roosevelt embraye à fond : il veut une armée d’hommes virils (ni timides, ni paresseux, ni ignorants, ni surcivilisés) et des vrais sports pour une race masculine et contre la féminisation des fils de riches ! La femme doit faire au moins 4 enfants sous peine de trahir sa patrie p71. La prétendue crise a aussi justifié la lutte contre les femmes suffagistes, contre l’émancipation des squaws. Woodrow Wilson des 1913 fera l’apologie de la guerre, lui aussi opposé au suffragisme, horrifié par les femmes qui parlent en public, considérant l’état comme une famille élargie, imposant aux femmes de rester à la maison sous peine d’être des monstres moitié-hommes, moitié-femmes !p72 Cette période intimait aux hommes le devoir de guerre et de briseur de grève, de sportif, afin de purifier la société de la question des femmes entre autres calamités. (Lors de la grève de la police de Harvard, des milices étudiantes traquent les criminels et les « bolcheviks »). L’homme européen aux yeux de ces gens est efféminé. La crise de 1929 relance la haine des femmes salariées de la part des hommes licenciés. Selon Lilian Symes, l’antiféminisme et la misogynie des politiques et des romanciers s’en prennent à « la femme moderne » sans jamais définir cette notion. La seconde guerre mondiale sera à nouveau l’occasion de réaffirmer la masculinité protectrice et guerrière.
En France,la crise de la masculinité est associée à La Commune de 1871 (critique antiféministe de Louise Michel), à l’affaire Dreyfus (lâche et juif, deux preuves de sa « féminitude »). Les nouveaux bureaucrates (comme aux USA) sont traités de demi-mâles par Maurice Barrès (et de nos jours Alain Soral). Les mouvements féministes encore de faible ampleur sont l’objet d’un tir de barrage d’Anatole France, Maupassant, Mirbeau, Zola, Maurras, Barbey d’Aurevilly (refus des tâches domestiques), Dumas fils ; on s’inquiète surtout de l’accession des femmes aux professions de prestige (comme avocate) traditionnellement réservées aux hommes. Alors que comme Georges Vigarello le fait remarquer, les statistiques prouvent le maintien très net de la suprématie masculine dans ces domaines et que ce sont les romanciers et les savants qui parlent de « dégénérés », d’« invertis », d’« impuissants ».p79. Cela va de pair avec la critique des mobilisations d’homosexuel(le)s. Certains romanciers comme Albert Cim en 1899 en appellent à la force contre les mouvements d’émancipation , la supériorité étant le muscle.(lors de l’incendie du bazar de la Charité de 1897, les hommes s’en sont sortis à coups de poing) ; le féminisme après la boucherie de 1914 est accusé de détruire la famille et de menacer la repopulation (1er congrès de la natalité en 1919 d’Auguste Isaac père de 10 enfants !) La femme dominerait la société par sa sexualité hors contrôle, sa beauté, son luxe, sa volupté ! Dans les années 20, selon Fanny Bignon, les quatre femmes problématique sont : la célibataire, la lesbienne, la prostituée, la GARCONNE en un mot et qui fume en plus ;-) De Gaulle accorde le droit de vote aux Françaises en 1944 non sans ironiser sur l’éventuelle création « d’un sous secrétariat d’État au tricot » p84
En Allemagne, A la fin du XIXe siècle, les 3 mouvements féministes inquiètent la Nation toute entière : Les suffragistes, le mouvement des femmes sociales-démocrates et le mouvement des femmes de la bourgeoisie ou BDF qui arrache le droit à l’université et à l’activité politique . Branle-bas de certains scientifiques contre les hermaphrodites et les efféminés qui les soutiennent. Freud et Jung très soucieux du pénis et du rôle du père dénoncent les rapports fils/mère et stigmatisent le sexe intérieur passif et humide des femmes. Daniel Paul Schreiber, Président de la Cour d’Appel de Dresde, paranoïaque, dans ses « mémoires d’un névropathe » raconte l’effondrement de sa masculinité et sa transition en femme. Selon Otto Weininger, le masculin, c’est l’actif, productif, conscient, rationnel, logique, seul apte au génie ; la femme c’est l’improductif, l’irrationnel, l’inconscient, l’immoral p86. Le mouvement des femmes est non-allemand, l’allié du judaïsme et du communisme. Des syndicats estimaient que le mouvement des femmes était contrôlé par des juifs et qu’il volait leur emploi aux hommes. La LACEF (ligue allemande contre l’émancipation des femmes, proche du mouvement pangermanique et composée de nantis et de professionnels de prestige anti-sociaux-démocrates) puissante dans l’enseignement, explique que le mouvement féministe est enjuivé et donc antinationaliste. Il est parfois perturbé par la BDF. La paix – féminisante - est heureusement remise en question par la guerre de 14, une vraie poussée d’énergie masculine. En 1920, la LACEF change de nom et devient la Ligue Allemande pour la Restauration de la Race. Hitler partage leurs idées sur la division du travail et l’apologie des vrais allemand(e)s, la défense du mariage et de la famille. Dans Mein kampf, il prône le mariage, la maternité et une discipline familiale de fer. Dès qu’il est au pouvoir en 1933, les femmes perdent leurs droits et doivent remplir les fonctions que la nature leur a destinées. Ce qui n’empêcha pas les grands du régime nazi de vivre bien autrement : Hitler n’a eu ni famille ni enfant.

Quid des nations dites matriarcales ?
Sont considérées comme matriarcales les nations où les femmes détiennent soit le pouvoir public soit le pouvoir privé. Sont considérées comme patriarcales les nations où les hommes détiennent et le pouvoir public et le pouvoir privé. En fait dans les sociétés prétendues matriarcales, les hommes dominent le public et les femmes font gratuitement le travail parental et domestique ;
Le « matriarcat breton » La thèse en 1983 de Philippe Carrer du matriarcat breton avec l’alcoolisme comme symptôme de la crise de la masculinité, de l’androphobie bretonne et sa crainte d’une St Barthélémy des mâles est brillamment réfutée par Anne Guillou qui y voit le désir de convaincre les femmes bretonnes de l’inutilité du féminisme puisqu’elles auraient déjà le pouvoir sur les hommes. Martine Segalen enfonce le clou en montrant que le pouvoir public reste entre les mains des Bretons ;
Le « matriarcat » au Québec. Denise Bombardier et Guy Corneau, l’expliquent par les défaites militaires françaises devant la colonie britannique, piètre modèle masculin pour les enfants (sans une ligne sur les massacres coloniaux des amérindiens). Jean-Paul Trottier évoque une triple castration du Québecois : par les Anglais, par les curés et maintenant par les féministes. Mais pour Diane Lamoureux ces arguties amalgament nationalisme et masculinisme en faisant reposer sur les femmes la responsabilité des défaites politiques de ces hommes qui disposaient pourtant de tout le pouvoir politique lors de la crise d’indépendance du Québec.
Pour les partisans du matriarcat québécois, les hommes ont dû quitter leurs foyers pour travailler au loin, laissant les femmes développer leur pouvoir à la maison et dans la Cité. Hélène Pednéault taxe ces arguments de bullshit et ne concède aux femmes que la force de torchage ;-). Les matriarcaux déplorent la fin de la non-mixité dans les tavernes et y voient une preuve de leurs théories et du traumatisme masculin : Les poubelles seraient selon Yvon Dallaire (on rencontre ce personnage tout au long du livre) le seul territoire qui ne soit pas envahi par les femmes. Mais la société québécoise est administrée et gérée par une grande majorité d’hommes. Et puis si les défaites avaient efféminé les Québécois, pourquoi les Canadiens anglais eux aussi se plaindraient-ils d’une prétendue « crise de la masculinité » en arguant du faible nombre d’hommes enseignants et des ravages des opioïdes chez les mâles ? P102
Le « matriarcat » africain-américain, Aux USA. Il serait selon Patrick Moynihan dû au fait que trop d’enfants noirs conçus hors mariage grandissent sans père, et que la maisonnée des esclaves était souvent dominée par la mère, le maître blanc ayant -lui - vocation de phallus/père ! La solution proposée est l’armée, un monde « performant », loin des femmes, structuré par une saine discipline, où l’on se sent être un homme, bref une bonne école pour intégrer notre société à direction masculine. Un noir américain défend lui aussi la thèse de la pente fatale en ce domaine en 1979. Les détracteurs de Moynihan, dont bell hooks, eurent beau jeu de le traiter de raciste, de misogyne et d’antiféministe p105 . En Afrique du sud, le discours de crise de la masculinité est aussi un lieu commun : La violence sexuelle et physique des hommes contre les femmes serait dû au manque de discipline des hommes, lui-même dû à la crise de la masculinité , à la souffrance de ces pauvres hommes noirs, barbares et inadaptés, d’avoir été sevrés de la saine férule paternelle ! Une curieuse pirouette qui évacue l’oppression raciale et sociale historique de ce pays. bell hooks critique sévèrement la thèse du matriarcat noir aux Etats-Unis qui n’est pour elle qu’une arme psychologique destinée à nuire aux Noires qui veulent s’émanciper et puis leurs compagnons noirs n’ont pas mal si mal à leur masculinité quand il s’agit de refuser les petits boulots mal payés que leurs compagnes doivent accepter, ni de ne pas payer les PA dues aux mères de leurs enfant ! P107 D’autres enfin, par un aussi curieux renversement prônent d’instaurer un patriarcat noir face à des tapettes blanches efféminées. Hanna Rosin pour sa part estime que la classe moyenne US a changé de sexe et que le pays est maintenant un matriarcat.
La « crise de la masculinité » comme explication aux guerres, génocides et terrorisme.
Ces fâcheux événements sont, selon les auteurs et les époques, présentés comme conséquence, cause, quand ce n’est pas les deux à la fois, de la « crise ». Comme exemple notoire, les épastrouillantes analyses pseudo-psychanalytiques de Victor Meladze déjà cité, pour qui ces violences ne seraient pas dues à des décideurs ou à des impératifs économiques, mais à la répression des désirs sexuels des garçons sur leur mère qui affecte l’ensemble des hommes d’origine européenne aux Etats-Unis. Leur peur de la castration justifierait l’esclavage, les guerres et les génocides. La sophistication abstraite de cette thèse évoquant l’origine de la vie, la mère, son utérus,le désir sexuel et le Phallus, l’absence de catégories chez le groupe d’hommes évoqué, permettent à Dupuis-Déri de tourner plaisamment son auteur au ridicule. P111. De plus l’explication de la castration permettrait de justifier à la fois l’action et l’inaction de tous les hommes d’une même nation ? Chaque chose et son contraire ?
La crise de genre subie par les mâles Hutus fut aussi évoqué pour expliquer le génocide au Rwanda. Sandrine Ricci note que cette façon de voir équivaut à affirmer que les hommes ont participé au génocide car ils étaient dominés par les femmes, et que les femmes y ont participé également parce qu’ elles dominaient les hommes ! C’est passer sous silence les impacts de la pauvreté chez les femmes hutus, tutsis et twas, le fait d’une moyenne de six enfants par femme à l’époque, le fait que tous les postes-clés étaient aux mains des hommes, le fait – enfin – que l’histoire ne connaît pas de génocides féministes. Dans les deux cas, selon cette thèse en apparence égalitaire, les hommes sont déresponsabilisés du génocide et les femmes en sont responsables, y compris des crimes commis par des hommes p113.
De même Fukuyama en 1998, associant explicitement l’identité masculine à la violence, ancreé en nous les hommes jusque dans les os selon sa « Politique du chimpanzé », condamne les féministes à la futilité dans un monde où règne la realpolitik. Des féministes ripostent en évoquant des grands hommes pacifistes ou non-violents, des hommes insoumis ou déserteurs, des chefs d’états bellicistes dépourvus de toute force musculaire etc ;
Mieux encore, la « crise de la masculinité » serait également à l’origine du 11 septembre, l’attaque aérienne serait le fait de jeunes hommes musulmans victimes de la « crise » sur des hommes américains eux aussi victimes de la « crise » : Susan Sontag s’insurge contre cette façon de voir et rappelle que cette attaque pouvait n’être tout bonnement qu’une réponse aux actions meurtrières menées par « la plus grande superpuissance autoproclamée du monde » sur l’Irak et son peuple. Elle dut à cette remarque d’être menacée physiquement par des hommes. Selon les adeptes de « la crise », les jeunes hommes du printemps arabe, les jeunes poseurs de bombes djihadistes, se purgeraient par ces attentats de leur frustration sexuelle, après avoir été chômeurs trop pauvres pour prendre épouse, ou humiliés par une policière ou encore sous le choc d’une femme les ayant quittés ! Paul Amar n’y voit qu’un ramassis de conceptions patriarcales et sexistes, de sens commun aliéné , de stéréotypes et de généralisations peu scientifiques qui offrent l’avantage d’éviter de se poser les questions importantes : qui détient le pouvoir, qui sont ces révoltés et que revendiquent-ils ? Tous les musulmans jeunes pensent-ils ainsi ? Quels sont les impacts des décideurs et des puissances étrangères ? Il constate que ce discours permet de justifier la coercition des états au nom de la sécurité, décrit l’homme musulman comme un prédateur sexuel, un terroriste, expliquant au passage la guerre perpétuelle entre l’Islam et l’Occident.
Laurent Bibard y voit une guerre entre des jeunes hommes musulmans et une civilisation occidentale féminisée et féministe. Eric Zemmour évoque la disparition programmée des peuples européens suite au déclin démographique dont le féminisme est responsable ; Les « progressistes » ont comme solution aux actes terrorristes l’immigration du jeune arabe qui ne comprend rien en politique, qui n’est dirigé que par ses pulsions et se bat pour prouver qu’il est un vrai homme ; mais en même temps, il a peur des femmes, peur de la castration. Il est à la fois castré et super viril ! Ça n’est pas sérieux, conclut Dupuis-Déri.
En conclusion, Le mot « Crise »ne devrait s’appliquer qu’aux faits exceptionnels. En fait, il n’y a pas de « crise de la masculinité » puisque de tout temps c’est toujours la même identité masculine qui est valorisée (force, action, violence) et c’est toujours la même suprématie mâle qui est maintenue et revendiquée. Ce contresens permet de discréditer les femmes perçues comme une menace, de maintenir la division binaire des sexes assignant à chacun des fonctions spécifiques, supérieures pour le monsieur et inférieures pour madame. Elle sert à freiner les féminismes en les créditant de la souffrance des hommes. Prétendre éternellement que les femmes sont trop influentes et dominatrices dans toutes les époques et les sociétés alors que c’est à l’évidence le contraire qui est la réalité, est le triste bilan de ce chapitre.

III/ Le mouvement des hommes (1960 à nos jours)
Un peu d’histoire
A partir de 1950 aux Etats-Unis, puis de 68/70 dans le monde occidental, des hommes s’émeuvent de l’émancipation des femmes et de la montée des féminismes. Dès 60 aux States, en Europe et au Québec, des groupes de parole d’hommes (généralement blancs et de bon niveau culturel), mixtes et/ou non-mixtes, se forment pour parler du patriarcat, du sexisme, des femmes ; de tels groupes sont parfois issus de groupes pro-féministes et pas toujours sexistes. A noter des Groupes homosexuels, dont le Front de libération des hommes au Québec créé pour « se délivrer du carcan des privilèges masculins » p129. Mais la non-mixité des groupements de dominants n’a pas la même portée ni la même signification politique que la non-mixité des groupements de subalternes ; aussi rapidement un ressac antiféministe se fait jour. Dupuis-Déri nous fait assister à la transformation des groupes d’hommes peu ou prou pro-féministes en des groupes de droits des hommes, de plus en plus antiféministes voire misogynes sous une foultitude de prétextes : divorces, mœurs judiciaires, garde des enfants... et ce dans tous les pays riches. Aux USA la montée avec Reagan et consorts de la Réaction amplifie le mouvement. Dupuis nous cite des exemples de militants qui retournent leur veste : Warren Farell aux USA. Des militants psy s’en mêlent, comme Guy Corneau un brin caricatural dans son apologie des valeurs masculines...que le fils soit en contact avec l’odeur du père, apprendre à se reconnaître dans le dieu Phallos, au pénis dressé...son énergie brute et sauvage..la prise de conscience de son agressivité etc. sans toutefois participer lui-même beaucoup aux soins quotidiens de l’enfant comme le fait remarquer l’ironique psy italienne, Patricia Romito p139 ; Des mouvements de « nouveaux guerriers » comme celui étudié par Boris Lulé (2004) obsédé par les testicules et le pénis, sources et représentations de la puissance masculine. Des mouvement cathos comme celui de Leanne Payne (1980) en pleine guerre froide sous Reagan, des virilistes chrétiens comme le mouvement de l’Emmanuel (2000) qui n’est pas sans rappeler le « christianisme musculaire »de la fin du XIXe s. Les « Promise keepers » aux USA et au Canada proposent aux garçons de « se rassembler dans un contexte typiquement masculin pour aider la progression en Christ »p147
De tels groupes se créent aussi en Pologne, en Ukraine (Centre international pour la paternité).
Du côté judaïsme, la diaspora juive prend elle aussi conscience de « la crise » et que les garçons sont de nouvelles filles. Eric Zemmour célèbre la masculinité virile des armées d’Israël, pour rompre avec la réputation d’efféminisme des Juifs tant dénoncés par les nazis. Rona Shapiro, la première femme rabbin se révolte contre ce courant. Le Web fourmille de sites homophobes, misogynes, appelant à la violence et comparant parfois les femmes aux nazis, les « féminazies », avec la complicité bienveillante des institutionnels, des lettrés et de certains artistes. Dupuis-Déri rapproche les excès du discours néonazi de celui de la « crise », sexisme et racisme allant de pair chez les « suprémacistes blancs » ; on assiste aux attentats skinheads contre des manifestants antiracistes, on s’oppose à la « culture du viol » dénoncé par les féministes, on prétend par un curieux retournement de la réalité que les Blancs sont victimes du racisme et plus capables de protéger leurs femmes des immigrants (Q). Ce serait donc conclure, comme le fait remarquer le journaliste David Futrelle, que ceux qui ont le plus de pouvoir dans la société (les hommes blancs) sont en fait les victimes de l’oppression ! P155. (Q)On notera à ce propos la déclaration d’André Breivik, néo-nazi suédois assassin de 77 personnes du Parti Travailliste ; il écrit dans sa « Déclaration européenne d’indépendance » de 1500 pages que le féminisme transforme le patriarcat en matriarcat, et affirme que tuer des femmes est la seule voie vers la justice. On peut à son sujet parler de « mascunazi » ironise Dupuis-Déri !
Les différentes définitions de l’identité masculine p, 158
- Différence fondamentale des sexes, leur complémentarité et non égalité
- La configuration morphologique des sexes définit les deux identités masculine et féminine. (envolée lyrique au sujet du pénis et de l’éjaculation d’Yvon Dellaire auteur d’Homme et fier de l’être. Et pourtant les femmes ont les mêmes capacités humaines, rappelle Dupuis.
- Le mythe (tordant et à prétention scientifique) de L’âge des Cavernes, glorifiant le viol et la chasse au mammouths, entonné par Dominique Venner et son humanisme viril, Alain Soral et sa division primitive (sexuelle) du travail, Eric Zemmour (la virilité va de pair avec la violence, l’homme est un prédateur sexuel, un conquérant, à vouloir le nier nous créons des générations d’impuissants, d’homosexuels et de divorcés), Yvon Dallaire encore lui, fervent de la chasse au mammouth, mais les femmes aujourd’hui parlent trop, justifiant la réaction violente et normale de l’homme .
Toutes ces fariboles répétées jusqu’à la fatigue pour devenir réalités, pour justifier les comportements prétendument masculins : le fameux mutisme du mâle, son infidélité amoureuse, sa prédation sexuelle, son goût du viol, puis plus profondément encore les luttes pour la monarchie, l’aristocratie, les révolutions qu’il aime à entreprendre, bref tout et son contraire.
- la thèse de la supériorité masculine musculaire est ridiculisée par Kate Millett qui démontre facilement que muscle=effort physiques, réservés aux classes dominés.
- Dupuis-Déri, moquant le mythe de la caverne, fait état de l’incertitude scientifique sur la distribution des rôles entre les sexes entre 40000 et 10000 av JC.
- En conclusion, que l’on se réfère à Dieu, au pénis, aux hormones, l’important est de toujours définir l’identité masculine comme puissante et dominante, active et violent et les féministes comme impies et blasphèmatrices à l’égard de la volonté divine, de la réalité scientifique, de la biologie et de l’évolution humaine.
- Les critiques féministes vis à vis de groupes d’hommes constatent qu’ils copient sans honte les modes d’organisations des militantes féministes. Sur le fond, comme le souligne en 1977 Carol Hanish, le privé est politique et même les hommes bien intentionnés appartiennent à la caste des dominants et profitent des privilèges qui en découlent même s’ils prétendent qu’ils n’en veulent pas. Et elle ajoute : S’ils ne veulent pas l’abandonner, il doit (ce pouvoir de dominant) leur être pris.p170

IV/ Les groupes de Pères
Parmi les mouvements d’hommes contemporains, les groupes de pères divorcés ou séparés sont les plus importants et influents. Après l’anecdotique « grève des maris » en 1953 à Birmingham qui exigeait que leurs épouses cessent de leur faire tondre le gazon, de leur faire repeindre le portique ou de leur faire bercer le bébé, Playboy en 1960 exhortait ses lecteurs à ne pas payer les pensions alimentaires (suivi en cela par tout plein de groupes). Zemmour pleure la mort du père de famille et Pascal Brückner écrit que « monsieur fait sa crise d’adolescence dans une société sans père ». A partir de 1980 les groupes de pères explosent en nombre et abandonnent la militance psy pour se consacrer à la préservation de l’image du père, à la lutte juridico-politique contre les femmes divorcées, féministes ou en voie de libération. En Australie, des « chemises noires » terrorisent les femmes récemment divorcées ; quand un homme tue se compagne et/ou ses enfants, les journaux parlent benoîtement de « faits divers », de « crimes passionnels ». En Australie, toujours, des crimes sont perpétrés contre les juges des affaires matrimoniales ou leur tribunal Bientôt, la Belgique, puis l’Allemagne, la Pologne, la France (SOSpapa 1990) possèdent des groupes de pères animés par la frustration et l’exploitation du divorce à travers les pensions alimentaires. On accuse les mamans monoparentales de porter la responsabilité de la délinquance des jeunes, des toxicomanies, dépressions, suicides, maternités précoces, prostitution, agressions sexuelles, émeutes, homosexualité ...ouf ! En G-B, le mouvement Fathers4-justice ou F4J planifie l’enlèvement du premier ministre Tony Blair et s’agite pour mettre fin à l’absence des pères et au cancer de l’éclatement familial. En France, des chanteurs, comme Daniel Balavoine ou Cali, chantent les droits des pères. Un papa-à-la-grue, fait beaucoup parler de lui pour récupérer son enfant, alors qu’on apprendra plus tard sa violence et ses condamnations pour enlèvement de son enfant p180 ; Dans le bloc soviétique, puis post-soviétique, beaucoup de gens croient que le modèle officiel soviétique d’égalité des sexes a produit des émasculés efféminés : l’anticommunisme dès 1989 devient synonyme d’antiféminisme.
En Pologne on réduit le droit à l’avortement et on lutte contre l’idéologie de genre, le mouvement Web est teinté d’antisémitisme, d’anticommunisme ; Des associations se constituent comme Masculinité et Paternité très catho, Père Courage. En Tchécoslovaquie on se dresse contre la pension alimentaire en dénonçant un Etat féminofasciste. Aux USA des présidents comme Bill Clinton (1995), puis George Bush (1997) prennent fait et cause pour promouvoir une paternité responsable. Barack Obama, fils d’un père absent, insiste sur l’importance des pères dans la vie des enfants. Démocrates et Républicains, traditionnellement divisés sur le féminisme, se rejoignent sur ce point.
Profil des groupes de pères
Nombre d’études sont menées en Amérique du nord et en Europe. Pour plus de détails, on se référera aux pp186 et suivantes. On notera l’Essai d’Aurélie Fillod-Chabaud réalisé au Québec et en France notamment sur SOS-Papa. Leurs membres sont en général de classes moyennes-supérieures, souvent en couple avec des femmes ayant un plus faible capital économique et social, restées mères au foyer plusieurs années après avoir accouché.
Dans ces groupes, les hommes dirigent mais en concédant aux femmes des rôles de secrétariat ou honorifiques (une psi célèbre comme présidente par ex). Il y a peu d’homogénéité de pensée, et la thèse de la « domination masculine » y fait l’objet de sarcasmes. Dans les plus radicaux comme en Pologne, les féministes sont présentées comme des ennemies des hommes, dont le projet serait de les détruire et de les ruiner par le biais des pensions alimentaires.
Dupuis-Déri distingue chez les groupes de pères, les groupes de thérapie et les groupes militants.
Les groupes de thérapie, plus nombreux en Amérique qu’en Europe, « se battent d’une façon convenable » tout en restant vindicatifs à l’égard des femmes et féministes.
Les groupes militants sont plus revendicatifs et politiques, ils reprochent aux magistrats de trancher systématiquement en faveur des femmes, même si les pères en question sont poursuivis pour maltraitance sexuelle sur leurs enfants. Dupuis-Déri a été menacé par des sympathisants de ce genre de groupes, dans des courriels le traitant de piètre chercheur et lui souhaitant d’être emprisonné et sodomisé à répétition p191 (Q). Des juristes sont victimes de telles intimidations ainsi que des députés accusés de « féminazisme » et de traiter les pères comme les nazis traitaient les juifs. Un plaideur à répétition de Fathers-4-Justice a été condamné pour « quérulence » avec interdiction de plaider à nouveau. En Israël où ils sont nombreux, certains groupes prétendent que 200 hommes se suicident chaque année en raison de leur divorce et que les femmes se servent des lois pour chasser les hommes de chez eux.
De telles actions permettent à ces groupes de se présenter sur un pied d’égalité avec les groupes féministes, auprès des médias et des décideurs.

V/ Crise de la masculinité ou crise économique ?
Depuis le XIXe s. certains expliquent ces mouvements d’hommes par la crise économique et le manque d’emplois plutôt qu’en réaction contre les féministes. Ce qui tient peu debout car ces mouvement comptent des bourgeois aisés parmi leurs membres. Les femmes voleraient leurs emplois aux hommes et cette thèse fleurit depuis longtemps et encore de nos jours au gré des circonstances.
La crise de la masculinité aurait une origine économique car l’identité masculine serait surdéterminée par le travail salarié et que l’homme s’identifie avant tout à son emploi.p197 ; les femmes selon cette thèse auraient suffisamment de raison de se sentir valorisées en récurant les planchers et en torchant les chiards (ndlr). Cette façon de voir occulte les difficultés nombreuses et variées que rencontrent les femmes sur le marché du travail : harcèlements, discriminations, bas salaires, plafond de verre des promotions, pénibilité des tâches, difficultés à conjuguer maternité et boulot sans compter les résistances ouvertes ou discrètes à l’entrée des femmes dans certaines professions.
Engels prévoyait une « castration de fait » des hommes si les femmes prenaient leurs emplois ; des syndicats font grève pour protester contre l’embauche des femmes. En 1866, Jules Simon expliquait « qu’esclave à la fabrique, il était juste que l’homme soit maître chez lui ».
Aux USA les mouvements d’ « Angty White Men », encouragés par des présidents comme Ronald Reagan ou même Trump, accusent les femmes et les immigrés d’être coupables car les hommes sont frustrés de ne pas réussir comme leurs parents et ne peuvent maintenir un rythme normal de consommation ! P199.
Pourtant des hommes de bon sens et des sociologues comme Michael Kimmel constatent que le chômage et les problèmes financiers des hommes sont dus avant tout à l’automatisation, la délocalisation, l’informatisation de la production, orchestrés par des décideurs blancs ! Trop d’hommes pensent qu’ils ont droit à un emploi et que cela leur est dû car ils sont nés hommes et blancs ! Quand une femme, un immigré, une immigrée (my God !) trouvent un emploi, cet emploi est volé à un homme ! Ce privilège (entitlement) leur est dû comme leurs sont dus un bon emploi, un bon salaire, une maison, une grosse voiture et une épouse qui s’occupe d’eux ! Colère et ressentiment quand ce schéma n’est pas appliqué !
Malgré plusieurs études savantes qui associent crise de la masculinité (sans en définir le concept) et chômage des hommes, il faut reconnaître, que partout dans le monde, les hommes chômeurs dominent leurs conjointes et/ou se font béquiller par leur sœur, mère, tante, fille etc. Ils s’en tirent très bien ;
Des universitaires russes discernent une double exclusion pour les pauvres hommes : le chômage + une femme qui contrôle tout à la maison ! Malgré l’étude russe dont le questionnaire est reproduit p 204 et qui semble prouver juste le contraire ! (Q)Un fois encore les femmes sont responsabilisées et l’homme une victime p205
A cela s’ajoutent des enjeux sexuels notamment en Mongolie p206 où des femmes sont réduites à la prostitution suite au chômage (j’avoue ne pas avoir bien compris ce passage, ndlr) ce qui est balayé par Paola Tabet qui y voit un effet de la suprématie mâle et non un signe de crise virile.
Une autre étude, au Bangladesh, étudie l’impact de la pornographie et de la prostitution sur les hommes et constate que « la taille de leur pénis » est source de bien des anxiétés car ils préfèrent le « pouvoir du sexe » (c’est-à-dire consommer du porno et des prostituées) à celui de l’emploi et de l’argent...Toujours est-il qu’ils peuvent toujours se rabattre sur leur conjointe et leurs enfants pour affirmer leur autorité. Plutôt que de crise de la masculinité, on devrait parler d’une crise de la féminité p207.(Q)
Heureusement quelques chercheurs (Chine , Sénégal, Afrique du Sud) comprennent que les décideurs, eux-mêmes masculins pour la plupart, ont tout intérêt à détourner l’attention et à feindre de voir dans la colère populaire un signe de « crise de masculinité » dont les femmes seraient responsables plutôt qu’un effet de la lutte des classes.
En conclusion présenter les femmes comme responsables du chômage masculin, n’est qu’une façon plus ou moins explicite de réaffirmer la suprématie du mâle et l’idéologie affirmant que tout lui est dû. P211.
Marxistes et anarchistes masculinistes en défaut. Le maoïste Alain Badiou, témoignant de la désorientation des fils comparée aux jeunes filles conquérantes des quartiers populaires, craint que la puissance des femmes, plus aptes à s’adapter à la consommation, ne livre le monde à la ruine du nom du père et dans un deuxième temps n’extermine tous les mâles après avoir engrangé du sperme. P212 !!!
Jean-claude Michéa, à prétentions anarchistes, dénonce de féroces figures maternelles, alliées objectives du capitalisme en élevant leurs enfants à être des consommateurs (Alliance paradoxale selon Dupuis-Déri puisqu’elles sont moins nombreuses que les mâles chez les décideurs économiques et politiques et qu’elles disposent de moins d’argent). Michel Clouscard, enfin, sociologue pourfendeur du libéralisme, pense que les femmes feraient mieux de lutter avec les hommes contre le libéralisme plutôt que de se mobiliser contre eux. Fait curieux, Eric Zemmour reprend cette thèse en alléguant que la propagande consumériste qui plaît aux femmes mine la culture traditionnelle patriarcale et que les mâles doivent contrôler la consommation des femmes p213
Alors, Crise de la féminité ? L’historienne Judith A. Allen pense qu’il n’est pas neutre de parler de « crise de la masculinité » plutôt que « de crise de la féminité ». Susan Faludi constate qu’il y a bien un discours sur la crise des femmes mais qu’il accuse les féministes d’en être responsables. En fait ce sont les femmes riches et privilégiées qui sont les plus convaincues que « l’égalité-est-déjà-là » alors que les autres moins favorisées subissent d’innombrables pressions pour freiner leur désir d’égalité. De même un article d’un journal indien d’Hindoustan sur les violences sexuelles et « la crise de la féminité »propose une série de mesures pour que les femmes aient une « meilleure vie ». Ces mesures (augmenter les possibilités de répression, mettre des femmes dans la police, affecter plus les hommes aux tâches ménagères, qu’ils cessent d’être machiste et de culpabiliser les femmes de leurs fautes et crimes) reprennent sans le savoir les éléments centraux du discours de la crise de la masculinité, ce qui implicitement reviendrait à dire que la masculinité est incompatible avec l’égalité, la liberté et la sécurité des femmes ? p217

VI/ La crise de la masculinité aujourd’hui : quels symptômes et quels discours ?
L’historienne de l’antiféminisme Christine Bard note que la rhétorique de cette « crise » n’est pas nouvelle et qu’elle sévit dans les époques et les lieux où l’inégalité h/f est la plus patente et où les hommes sont décideurs, puissants et coloniaux. Elle exprime toujours la hantise de l’égalité et s’articule toujours autour de thèmes récurrents comme la natalité, l’industrialisation (puis la désindustrialisation), les jeux de guerre, la guerre réelle, la domination des femmes (acariâtres ou divorcées selon l’époque). Actuellement quatre thèmes sont désignés par les masculinistes comme causes/conséquences de « la Crise » : la mauvaise scolarité des garçons, les suicides des hommes, la garde des enfants, la violence des femmes contre les hommes, plus un cinquième : la séduction.
On commence par le dernier, la séduction : On assisterait donc à l’apparition d’une nouvelle police des sentiments apparentée à un nouveau puritanisme. Usant d’accusations de harcèlements sexuels comme d’une arme de répression, les femmes imposeraient aux collègues hommes, étudiants, professeurs, salariés des multinationales, un régime de terreur ressemblant au fondamentalisme islamique. Le Français en serait épargnés à cause de leur galanterie et de leur amour des femmes hérités non de l’Islam mais des Gaulois, alors que le Québecois en ressort efféminé, voire castré : il ne peut ni ne veut plus draguer dans cet « Egalistan » où les hommes et les femmes, tous pareil(le)s, n’ont plus rien de sexy, de désirable... car c’était de la différence que surgissait l’érotisme ! Ce discours pointe le nez dans Le premier sexe d’Eric Zemmour et envahit des sites web de groupes d’hommes et une certaine littérature de manuels de séduction décomplexés souvent méprisants et insidieux : « Allons casser du féministe, mes frères ». cette mentalité rejoint celle des Angry White Men, étudiée par Michael Kimmel, pour qui les femmes sont un dû (vph). Apologies des meurtres, des violences conjugales, voire des viols pullulent sur ces sites. Libération n’écrit-il pas « les hommes ont le pouvoir social. Le monde leur appartient. Les femmes ont le pouvoir sexuel. Les hommes leur appartiennent » ?
L’Ecole contre les garçons
Une panique médiatique dès 1990 apparaît aux USA sur les problèmes scolaires des garçons, dus pour nombre d’essayistes au fait que l’école favorise les formes féminines d’apprentissage ; il fallait revaloriser l’agressivité masculine y compris pour les Africains-Américains (trop de femmes blanches enseignantes). Des articles de presse revampent le christianisme musculaire et ses boy-scouts. On incite à recruter des professeurs hommes. Cette panique gagne la GB et la France : « Mixité : il faut sauver les garçons » titre Le monde de l’éducation en 2003. Des essayistes comme Jean-louis Auduc ou Jacques Tondreau abondent en ce sens. Au Québec des établissements comme La Ruche à Magog organisent un « gars show » réservé aux garçons avec participation d’une pelle mécanique, d’un char et d’un hélicoptère + les troufions qui vont avec p231...L’esprit est « il ne faut pas empêcher les garçons d’être ce qu’ils sont » déclare un ministre canadien. La thèse masculiniste (simpliste, démagogique, essentialiste selon Jacques Tondreau) se focalise sur:1/statistiquement les garçons réussissent moins. 2/ Les garçons sont désavantagés par rapport aux filles. 3/ le modèle pédagogique féminin dévalorise l’identité masculine par essence active, agressive, guerrière. 4/ Il y a trop d’enseignantes et pas assez d’hommes au contact des petits et des jeunes.
Ces idées sont de vieilles lunes, déjà Jack Locke pleurnichait ainsi au XVIIe s. Elles supportent des exceptions selon les domaines et il semble que les variantes de classe et de race sont plus déterminantes que celles de sexe. L’école est avant tout une étape vers l’emploi où les femmes gagnent moins que les hommes. Les décrocheurs, plus nombreux que les décrocheuses certes, choisissent en quittant l’école les emplois dans le bâtiment considéré comme viril conventionnellement mais aussi assez bien payé, alors que les décrocheuses doivent se rabattre sur des emplois de service ingrats et mal payés, serveuses, caissières, aides à la personne.
Les mères poussent plus les filles aux études car elles sont conscientes qu’elles auront plus de difficultés après l’école ; les étudiantes abandonnent souvent pour assumer leur maternité ; L’école relaye les a priori de genre ; enfin la non-mixité bénéficierait plus aux filles qu’aux gars car elles sont moins dérangées ou attirées par ceux-ci. Par contre, on a constaté que les stéréotypes attribués aux garçons sont nuisibles à l’apprentissage de la lecture déterminante sur tous les apprentissages ultérieurs. En effet les garçons se désintéressent souvent de la lecture, occupation considérée « dans la cour de récré » comme efféminée voire homo par les « vrais » garçons. La proposition masculiniste de renforcer le clivage selon le sexe semble donc pouvoir nuire aux garçons en dernière analyse, la violence ne paraît pas être un atout pédagogique bien au contraire : elle peut entraîner des humiliations stressantes voire des suicides chez les sujets fragiles, la formation de futurs adultes violents et/ou enclins à posséder des armes.
Le suicide des hommes p239
En France SOS Papa et le Mouvement pour la Condition Paternelle, suivis par quelques sénateurs, pensent que le divorce est cause de suicides chez les hommes privés d’amour, d’enfants, de logis. Ces thèses alarmistes sont reprises au Canada par Yvon Dallaire et Fathers-4-Justice ou F4J ; à en croire ces derniers, entre 50 et 75 % des suicides masculins ( quelle précision !) seraient consécutifs des divorces. Par extension, la violence conjugale serait symétrique entre les hommes et les femmes : Pour Georges Dupuy qui ne fait pas dans la finesse, les hommes tuent leurs conjointes et les femmes tuent leurs conjoints en les poussant au suicide ! P241.
Une fois de plus, mères violentées ou mères dominatrices sont coupables du malheur des hommes et pour que cela cesse, il faut laisser les petits hommes en devenir jouer à la guerre : actions et courage. Enfin les femmes doivent rester en couple pour leur assurer une présence féminine de confort.
Pour en revenir au suicide, il faut reconnaître qu’il est un mystère déterminé par nombre de causes et que son taux augmente quand l’économie périclite. Ensuite, le nombre de suicides est plus élevé chez les hommes partout dans le monde. En 2015, ce taux est quatre fois plus élevé dans des pays peu marqués par le féminisme, comme Algérie, Chili, Pologne, Russie ; Six fois plus élevé en Lithuanie. Statistiquement, les addictions et la maladie sont bien plus pourvoyeuses de suicides masculins que les ruptures de couple ; et les violences conjugales plus pourvoyeuses de suicides féminins (quand l’assassin n’entraîne pas sa femme et ses gosses dans la mort !). Les masculinistes « oublient » aussi que l’homophobie, la transphobie et le racisme y sont pour beaucoup : un trans sur deux aurait tenté de se suicider. Ils oublient enfin que le taux de suicide serait à peu près équivalent pour les deux sexes, les tentatives étant plus fréquentes chez les femmes (3 fois plus aux USA) car elles sont plus sujettes aux dépressions, à l’anorexie. Les hommes n’ont pas le monopole de la souffrance psychologique et cependant au Canada par ex, les (jeunes) hommes font bien plus frequemment que les femmes l’objet de campagnes de prévention du suicide. Les hommes se suicident plus quand ils ont des armes à leur portée et qu’ils ont une conception viriliste du masculin. Jouer à la guerre ou la faire n’est pas un antidote au suicide, ainsi on observe 4 fois plus de suicides chez les militaires en temps de guerre.
L’identité masculine semble plus faire partie du problème du suicide que de la solution. Ainsi l’éducation traditionnelle des garçons en Pologne, pays ouvertement antiféministe, devrait faire barrage aux suicides masculins, pourtant les hommes s’y suicident 5 fois plus que les femmes (surtout à cause du chômage, terriblement humiliant pour ces mâles traditionnels)
Le père sacrifié p252
Hormis l’école et le suicide, les groupes de pères mettent avant tout l’accent sur le FRIC, les pensions alimentaires (PA) qui les violeraient financièrement...Pour beaucoup la PA ne devrait être due que lorsqu’un des deux a la garde complète...enfin les tribunaux, d’après eux, seraient systématiquement en faveur des mères et sont à l’origine de la rupture du couple...Ils omettent de dire que dans la plupart des cas les juges interviennent alors que le couple vit déjà séparé après une entente plus ou moins facile ; ils laissent la « charge mentale » d’éducation à la mère comme le veut la tradition (surtout si les enfants sont petits) et la possibilité au père de garder son travail et de refaire sa vie : Comme on le voit, les juges tranchent dans le respect total de la division sexuelle du travail conventionnelle. Ceci n’est donc pas un acquis féministe mais bien plutôt une conception conservatrice des rôles parentaux. Les féministes s’opposent à l’idée que « mieux vaut un père violent que pas de père du tout » comme semblent le concevoir Australie et Suède (quoi que).
Mais la grande cause des conflits reste la PA. Et les groupes de père se sont constitués ou renforcés quand les législations sont devenues contraignantes pour le versement des PA à la mère.
Les groupes de pères font également référence à une conception simpliste de l’égalité. Ils souhaitent une garde égale des enfants, des hébergements sociaux à égalité hommes/femmes en cas de rupture, des subventions égales aux groupes de femmes et d’hommes. Tout cela pour occulter la disproportion entre homme et femme du travail d’éducation auprès des enfants, faire passer les hommes pour les victimes des femmes et surtout pour avoir un droit de regard pour contrôler ce que fait la mère avec l’argent de la PA. Tout en continuant à pratiquer une inégalité de fait imposée légalement quant aux soins auprès des enfants. Visiblement, les hommes ont adopté le langage de l’égalité mais pas l’esprit de l’égalité.
Les groupes de pères ont aussi recours au discours du « droit des pères », alors qu’ils devraient plutôt se préoccuper de leurs responsabilités dans le soin auprès des enfants, le care comme dit Dupuis.
Les groupes de pères ont aussi hypocritement recours à la notion d’intérêt de l’enfant dont ils cessent de se soucier quand la PA n’est plus payée, ou qu’ils pratiquent des violences physiques ou sexuelles sur leur progéniture en alléguant faussement que leurs petits sont manipulés par la mère. Ces groupes vont parfois jusqu’à protéger des enlèvements et des assassins.
La prétendue symétrie des violences p262
C’est la thèse surprenante des « hommes battus », victimes de violences symboliques (plus rarement de violences physiques). Georges Dupuy, le champion de cette thèse, affirme que les femmes inventent des violences pour obtenir la garde des enfantset, être violentée serait un avantage pour les femmes à cause de la représentation haineuse des hommes et d’un féminisme idéologique relevant du racisme et du nazisme. D’autres vont au tribunal pour faire cesser les subventions aux foyers d’hébergement et aux campagnes de prévention en faveur des femmes victimes de violence ; ils les stigmatisent comme étant à l’origine de la violence domestique ; les foyers pour femmes victimes de violence seraient des centres de propagande féministe anti-hommes. Ils exigent au nom de l’ »égalité » des dépenses équivalentes pour les hommes. En France en 2012, SOS-hommes battus dénonce les victimes masculines des fausses déclarations d’abus sexuels, les paternités imposées, les privations d’enfants suite à un divorce. En Inde une loi de 1980 protège les épouses des violences du mari et de sa famille. Cette loi est élargie en 2005 interdisant les mariages forcés, l’exclusion du domicile de l’épouse, l’humiliation si elle n’a pas un garçon, les pressions pour qu’elle n’ait ni éducation ni salaire. En réaction, des hommes aisés créent des associations masculinistes aux noms surréalistes comme « Fédération indienne contre les atrocités commises par les épouses ». Articles et livres relatent des cas d’hommes victimes de fausses accusations de violence, épinglant les féministes prétendument violentes elles-mêmes...Yvon Dallaire pense que les femmes sont responsables des violences qu’elles subissent et ont une longueur d’avance sur les hommes en matière de violence psychologique et verbale, les mots font parfois plus mal qu’une gifle, les hommes ayant surtout recours aux violences physiques. Jacques Arène a les mêmes prétentions. Le Web et SOS Papa stigmatisent les « phrases assassines » dont sont coutumières les femmes, « mille fois plus cruelles et dévastatrices qu’un simple gnon ». Les femmes font état de fausses accusations de violence. Bref, le principe de symétrie permet de renvoyer bourreaux et victimes dos à dos.
Réflexions (un peu répétitives) : A l’évidence, les hommes ont plus à gagner que les femmes en prétendant que les accusations de violences sont fausses . En évoquant la naïveté des juges et les erreurs de statistiques, ils ont tôt fait de prétendre qu’ils n’agressent jamais leurs victimes. Pourtant bien des femmes subissent sans jamais porter plainte, par peur, humiliation, ou simplement éconduites par la police ou la gendarmerie. Les statistiques sont forcément inférieures et de beaucoup à la réalité. Pour saisir l’ampleur du phénomène, il conviendrait de croiser les enquêtes téléphoniques et les chiffres des hébergements pour femmes violentées, des hôpitaux, de la police, des tribunaux et de la Morgue. ; En France en 2019 on vient d’annoncer la 130e femme tuée cette année par son conjoint et on n’est pas encore le 31 décembre ! Il ne faut pas généraliser le cas de Jacqueline Sauvage qui a tué son tortionnaire après 47 ans de violence sur sa famille. Face à des crimes comme celui de Strauss-Kahn, Bertrand Cantat, Dupuis-déri regrette les avancées du « biais psychologisant » qu’il assimile à une tactique de dépolitisation chargée de maintenir le statu quo et de maintenir le pouvoir dominant. On présente le crime comme une perte de contrôle alors qu’il s’agit d’une prise de contrôle visant à réaffirmer la domination masculine, d’ailleurs les hommes violents justifient leur violence sur épouses par le fait qu’elles ne répondent pas à leurs besoins et leur volonté p279. Par ailleurs, les hommes s’encourageant les uns les autres, une véritable culture de la violence maritale se met en place dans les esprits, une véritable « manosphère » sur le Web notamment. Certains y voient l’avènement de lobbies de défense des agresseurs ayant eux-mêmes des antécédents criminels comme l’homme-à-la-grue évoqué plus haut, l’escaladeur du Pont Jacques-Cartier à Montréal ou Patrik Guillot, auteur de La cause des hommes : Pour la paix des sexes. Cet enseignant français injustement accusé d’après lui pour abus sexuel sur élèves, dénonce la sacralisation des femmes et des enfants et estime à 50/50 la culpabilité des violences entre hommes et femmes. Le psychanalyste français Jacques Arènes, encore lui, emboîtant le pas d’Yvon Dallaire et Guillot essaye de défendre une certaine masculinité naturelle faite de violence/puissance/action des hommes inhérentes à leur sexe et dénonce les progrès de la « misandrie » visant à « démolir les pères ». Jean-Yves Desjardins, sexologue québécois, affirme que notre société discrédite le modèle masculin et dénonce l’homme rose, ce modèle féminoïde proposé aux hommes. Il ne faut pas, selon lui, l’empêcher de s’exprimer avec ses muscles ou le forcer à pleurer s’il n’en a pas envie p288. Dupuis-Déri fait remarquer que les possesseurs d’armes à feu tuent jusqu’à 3 fois plus leurs conjointes et aussi que les violences faites aux hommes sont avant tout le fait d’autres hommes (à 86 % aux Etats-Unis et 94 % au Pays de Galles en GB).
En conclusion p291 La propagande de la prétendue crise de la masculinité qui sévit en Occident s’appuyant sur les difficultés scolaires des garçons, les suicides masculins, les affres des pères lors des ruptures et la symétrie de la violence et des hommes battus, propose toujours la même solution : réaffirmer le caractère actif, compétitif, agressif des hommes, éléments constitutifs de l’identité masculine, tout en permettant de contester l’idéal féministe d’égalité et d’accuser les femmes de tous les maux subis par les hommes, bref d’affirmer la légitimité de la suprématie masculine.

Conclusion générale : Crise de la masculinité et refus de l’égalité
Omniprésent tout au long de l’histoire et sous toutes les latitudes, le discours sur la crise de la masculinité ne peut être pris au sérieux, lui qui prétend entre autres que la très sainte Eglise catholique serait sous l’influence des femmes et des féministes. Ce discours risible, absurde et dangereux est avant tout élastique. Un simpliste comme John Gray fonde son discours de la suprématie mâle sur « le bon sens le plus élémentaire ». Dupuis-Déri note quatre similarités entre les discours passés et présents : 1/ Une forte exagération de l’influence des femmes. 2/ il s’exprime dans des contextes où paradoxalement l’homme domine institutionnellement et socialement. 3/ Il veut freiner l’émancipation des femmes, il est antiféministe. 4/ Au nom de la différence des sexes, il revalorise la supériorité des hommes actifs, forts, rationnels, efficaces, sur les femmes. Il s’agit d’un discours de crise et non d’une crise réelle, d’un discours sur la remise en question de la suprématie mâle, et sur l’extrême susceptibilité des mâles en ce domaine. Ce discours établit le plus souvent qui doit gouverner et qui doit obéir, qui doit écouter et qui doit se taire p296 ; Harry Brod propose cette interprétation du féminisme : Les hommes ont peur qu’avec le féminisme, les femmes vont s’occuper d’elles-même nous laissant nous les hommes nous occuper de nous-mêmes : pensée terrifiante ! Les femmes ont bien compris que l’identité masculine est bien plus politique que psychologique ou biologique. (Q) car « partager une place, ce n’est pas la prendre »(Hubertine Auclert) et ce qu’ils ne veulent pas partager c’est leur domination. P253. Analyse partagée par Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Christine Delphy, Colette Guillaumin : « Ils la souhaitent notre différence, ils l’aiment ». Judith Butler déclare : « Je performe mon identité masculine comme un acteur qui endosse un rôle...C’est à travers la répétition de cette performance que je me constitue, que je suis considéré comme un homme ou non au travail, dans le sport, en famille, en couple (hétérosexuel)...L’identité masculine n’est pas en nous, c’est quelque chose que je fais et pratique dans mes rapports matériels et symboliques avec les autres hommes et femmes » p300 Le sociologue Léo Thiers-Vidal notait en interrogeant des hommes, qu’ils considéraient « la chance d’être un homme...avant tout comme la chance de ne pas être une femme »(Q). Mais, fait remarquer Dupuis-Déri , on peut aussi se sentir libertaire, égalitaire et solidaire...pas étonnant donc que la posture pro-féministe soit souvent celle des anars. La tendance féministe dans les groupes d’homme a pour ainsi dire disparu depuis 1970, à part quelques collectifs antimasculinistes à Paris et à Grenoble. Dupuis, qui aime bien les classifications, discerne actuellement 4 positions féministes : empathiques à la Badinter et Bombardier, refondatrices comme Susan Faludi et bell hooks qui souhaitent l’émancipation des hommes, optimistes qui pensent que ça avance et sceptiques qui pensent une déconstruction du patriarcat nécessaire. (Q) Il observe également 3 positions chez les hommes proféministes : 1/ refonder l’identité masculine avec les valeurs dites féminines, sensibilité et émotion. C’était il a une dizaine d’années la position de Dupuis-Déri p305 (Q) mais il faut bien admettre que lorsqu’ils massacrent ou marchent au pas, les hommes sont pétris d’émotions. 2/ Subvertir les identités sexuelles comme ces Queers, transgenres etc qui sont souvent proféministes mais parfois considèrent les hommes comme victimes ; de même Raewyn Connell, forte théoricienne de la masculinité est une femme trans.p306 (Q) 3/ Se caler sur la position féministe matérialiste radical d’une Christine Delphy : « Supposons un homme qui veut poser la relation h/f comme égalitaire...Alors tout au plus il n’utilisera pas son avantage initial pour en obtenir d’autres mais il ne peut renoncer à cet avantage initial parce qu’il ne peut, à lui seul, tout supprimer, détruire ce qu’il n’a pas fait...il ne peut supprimer les désavantages institutionnels de la femme » »p307, elle pense qu’il faut imaginer le non-genre. Pour un philosophe comme John MacInnes, voir des différences entre masculin et féminin n’est qu’une rationalisation idéologique pour maintenir le pouvoir illégitime des hommes et maintenir la division sexuelle du travail à leur avantage. P310.
Pragmatiquement, les deux sexes sont plus similaires que différents sur les plans physiques et cognitifs. Un peu d’exercice peut combler ces différences : Les championnes olympiques courent bien plus vite que des milliards d’hommes. C’est le discours dogmatique de la masculinité qui assigne des attitudes spécifiques aux hommes et aux femmes. Ainsi quand un bébé pleure, si c’est une fille, on dit qu’elle est triste et si c’est un garçon qu’il est en colère p311 ;
Ce même a-priori, remarque la féministe Marylin French, fait que le maître mot pour parler des femmes est « trop ». (Q)Trop forte, trop douce, trop vieille, trop jeune, trop assistées, trop passives ou trop agressives quand elles sont battues, trop libres ou trop coincées, trop ambitieuses ou trop effacées, trop grosses ou trop maigres etc. et l’homme est en crise qu’elles soient trop ou qu’elles soient pas assez ! : Les hommes ne sont pas en crise mais ils font des crises quand ils sont contredits, quand ils n’ont pas ce à quoi ils pensent avoir droit comme par exemple une femme à leur service...ces crises sont réelles parfois au point de tuer !!!Le problème en terme de justice n’est pas que la masculinité soit en crise mais bien plutôt qu’elle ne le soit pas : il faut tout faire pour qu’elle advienne !(Q)